L’hormèse, l’antifragilité ou les bienfaits du désordre
Qu’est-ce que l’hormèse ?
L’hormèse est une notion ancienne connue depuis l’antiquité. Elle désigne une réaction positive de l’organisme soumis à de faibles doses de toxines, de stress ou d’exposition à des contraintes. L’organisme se renforce alors progressivement et gagne en robustesse.
Ainsi, le roi Mithridate, craignant d’être empoisonné, serait parvenu à s’immuniser en absorbant chaque jour de petites doses de poison, ce qui a donné le terme de mithridatisation.
À l’inverse, un organisme non soumis au stress se fragiliserait, comme les astronautes non soumis à l’apesanteur par exemple, dont la densité osseuse diminue.
« Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort » disait Nietzche
Alors, pour améliorer sa santé, faut-il mener une vie moins douillette et endurcir son corps ? C’est absolument ce que pense Nassim Nicholas Taleb, ancien trader, chercheur, écrivain, qui rebaptise ce phénomène d’hormèse par le terme « antifragilité » dans son livre « Antifragile, les bienfaits du désordre ». Pour lui, nous pouvons être fragile soumis à un stress, robuste si on est capable de résister, et antifragile si le stress nous rend plus fort, avantage qui serait une propriété fondamentale de la vie.
C’est aussi l’avis de l’ostéopathe Marc Picard dans son livre « Bougez, faites confiance à votre dos ». Pour lui, la vie sociale de ces cinquante dernières années s’est organisée pour nous éviter les efforts physiques intenses, que ce soit à la maison ou au travail : déplacements motorisés, ascenseur, escalator, drive, etc. Il explique que cette sédentarisation a induit une baisse de la tonicité musculaire et de la qualité du mouvement, associée à des pathologies musculaires et articulaires en forte augmentation. « L’immobilité est ce qu’il y a de plus mauvais pour le corps humain » commente-t-il.
L’hormèse et ses avantages
Le confort dans notre mode de vie moderne, c’est aussi la surabondance de nourriture, l’environnement aseptisé, le chauffage ou la climatisation en permanence, la prise régulière de médicaments.
Dès lors, si nous ne voulons pas souffrir de ce confort, il est devenu nécessaire de s’exposer de manière volontaire à la contrainte, à l’inconfort ; le yoga n’est-il pas l’art de se mettre dans des postures très « inconfortables » pour se sentir bien ensuite ?
L’hormèse va améliorer nos fonctions d’adaptation à l’environnement et aux contraintes extérieures : régulation de la température du corps, résistance musculaire, création et stockage d’énergie etc…tout en renforçant les grandes fonctions vitales circulatoires, immunitaires, réparatrices, nerveuses. Le corps ainsi soumis à un certain niveau de contrainte va s’adapter pour être en mesure d’affronter une contrainte supérieure encore, ce qui entraîne une progression de nos capacités.
Mais attention, les contraintes nous optimisent… jusqu’à une limite biologique à respecter !
Les efforts que nos ancêtres ont toujours connu dans leur environnement naturel sont les plus favorables qualitativement. Rien de tel que des mouvements proches de ceux qu’ils effectuaient au quotidien : marcher, courir, nager, grimper, sauter, ramper. Le naturel est la meilleure solution. Cette activité physique améliore l’ensemble des paramètres physiologiques. Elle peut être intense mais les phases de récupération doivent être bien présentes. La modération et la régularité sont importantes, la performance extrême est à proscrire.
L’hormèse pour surmonter l’adversité
Mettre en pratique l’hormèse, c’est simplement chercher à atteindre ses limites personnelles, sans les dépasser, à sortir de sa zone de confort pour une courte durée, et ensuite récupérer avec un temps de repos.
D’autres contraintes naturelles contribuent à induire de multiples bénéfices sur l’organisme : la réduction calorique. Autrefois, le chasseur-cueilleur ne mangeait pas tous les jours à sa faim. À notre époque, l’abondance nous fait plus de mal que de bien. La pratique du jeûne est ainsi une excellente façon d’améliorer notre santé. Sauf cas particulier, il est bienvenu de s’offrir régulièrement une pause alimentaire de 12 à 16 heures en sautant le repas du soir ou du matin. Certains pratiquent des jeûnes de cinq à sept jours une à deux fois par an, d’autres font une pause alimentaire d’une journée par semaine ou bien sautent deux repas. D’autres encore modèrent de façon continue leur apport calorique par l’adoption d’une alimentation hautement nutritionnelle et faiblement calorique à l’instar des centenaires de l’île d’Okinawa.
Il serait également judicieux d’exposer régulièrement son corps au froid ou au chaud comme le pratiquent les peuples du Nord avec leurs bains glacés et leurs saunas pour leurs effets bénéfiques sur l’immunité et la santé cardiovasculaire.
De même, il serait bon de laisser notre système immunitaire se renforcer avec des expositions répétées aux agents microbiens, de laisser monter la fièvre sans antipyrétiques pour ne pas ralentir l’élimination de l’infection, de mettre de côté ses lunettes chaque fois que leur usage n’est pas indispensable afin de faire travailler ses yeux et de bénéficier de la lumière naturelle au maximum.
Les exemples ne manquent pas pour pratiquer l’hormèse car, nous l’avons bien compris, la surprotection de la vie moderne sabote malencontreusement notre aptitude naturelle à surmonter l’adversité.